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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 21:12

                                                      

Le temps d'une génération déjà  !…

 

Voilà donc 35 ans – un mercredi 27 Décembre – que disparaissait le président Boumédiène, frappé subitement au cours de cet été de 1978, par une mystérieuse maladie galopante, diagnostiquée comme étant la maladie de Waldenström.

 

J'ai eu à collaborer avec le défunt Président Si Boumédiène, début Novembre 1966, quand Si Djamal – le défunt Si Chérif Belkacem– nous fit savoir, un de mes collègues – Si Mohamed Hassani – et moi-même, tous deux membres de la Direction centrale du FLN, que nous étions désignés pour assurer, au titre du Secrétariat Exécutif, le secrétariat technique d'une session marathon de plusieurs semaines que devait tenir le Conseil de la Révolution, présidé par Si Boumédiène. Ce dernier nous reçut l'après-midi même à son bureau, pour nous instruire sur les modalités de notre mission.

 

C'est ainsi que durant trois longs mois – avec le mois du Ramadhan tombé au beau milieu de Décembre – cloîtrés dans notre cabine vitrée, nous avons enregistré les interminables  "minutes" des discussions, et dressé les procès-verbaux, en utilisant à la fois le magnétophone et nos propres notes, en arabe et en français, selon la langue d'expression de l'intervenant. Chaque matin, les procès-verbaux ronéotés des séances de la veille étaient distribués aux membres du Conseil de la Révolution avant l'ouverture de la nouvelle séance. Il n'était pas rare que durant la pause-café – quand il y en avait une – le président venait nous voir quelques minutes pour s'enquérir courtoisement, si nous n'étions pas trop fatigués et si on s'occupait bien de nous, question café et thé…

 

Dans le volet économique des Résolutions qui ont clôturé les travaux du Conseil de la Révolution en cet hiver 1966 / 1967, figurait en particulier une recommandation demandant l'élaboration d'un Plan national de développement ; recommandation qui donna lieu à la création par le Secrétariat Exécutif, d'une Commission du Plan du FLN dont j'eus l'honneur de faire partie en qualité de rapporteur. Cela permettait souvent à notre équipe d'une quinzaine de personnes, d'être reçue par le Président qui s'enquérait de l'avancement de nos travaux en se montrant étonnamment informé sur les différents dossiers socio économiques du pays, tout en écoutant les observations ou les suggestions de tel ou tel membre de notre Commission. 

 

Le président Boumédiène aimait souvent à rappeler que la décolonisation  politique, même achevée, était nécessaire mais non suffisante et que l'Algérie avait entamé une véritable décolonisation économique et culturelle.

 

Aussi, la planification du développement national s'est appuyée essentiellement sur une politique volontariste conduite entre 1967 et 1974 et visant les secteurs suivants :

 

-          la formation des hommes, sous-tendue d'une part, par une orientation scientifique et technologique des programmes de l'Education nationale et d'autre part, par la réhabilitation de la langue arabe ;

-          la nationalisation des secteurs bancaire et des assurances ;

-          la nationalisation de l'énergie et des mines ;

-          l'industrialisation lourde ;

-          la Révolution agraire ;

-          la mobilisation des ressources hydrauliques du pays.

 

Parallèlement à cette volonté de développement économique, était conduite une politique de restructuration des Institutions d'un Etat moderne, respecté à l'intérieur comme à l'extérieur ; une restructuration comportant deux volets essentiels :

 

-          l'Administration Centrale et les Collectivités locales et régionales, avec la création de l'ENA et l'élaboration du Code Communal, organisant les attributions, les élections et le fonctionnement des APC et des APW, socle du futur Etat moderne ;

-          la structuration de l'ANP en armée moderne, dédiée à la défense du territoire national et à l'encadrement des grands chantiers de la nation comme par exemple la route Transsaharienne ou le Barrage Vert, dans le cadre du Service National.

 

A la veille de la mort du Président Boumédiène, c'était la restructuration du parti du FLN était à l'ordre du jour.

 

Il serait prétentieux – dans le cadre restreint de cette brève  évocation – de vouloir faire la part des réussites et des échecs dans le bilan politique du défunt président. Ce sera l'œuvre des historiens. Des historiens qui auront en plus la tâche redoutable de mettre définitivement à plat les responsabilités personnelles du président Boumédiène, en particulier dans les graves dossiers liés aux assassinats de Krim Belkacem et de Mohamed Khider, ou encore dans l'affaire de la sépulture du colonel Amirouche.

 

Des dossiers qui ont suscité beaucoup plus de polémiques que d'autres dossiers, pourtant beaucoup plus graves, beaucoup plus récents et beaucoup plus lourds surtout, dans leur bilan en pertes humaines et matérielles comme dans leur bilan psychologique. Dossiers brûlants, dont les acteurs sont encore bien vivants et dont certains sont encore aux premières loges du pouvoir…

Il suffira d'évoquer ici entre autres dossiers, celui relatif à l'assassinat "en direct à la télévision", du défunt président Boudiaf, dossier dont le simulacre de procès n'a jamais convaincu personne. Sans oublier surtout, la série de massacres de populations civiles entières comme à Bentalha ou Raïs, à Relizane ou Béni Messous, pour ne citer que ces affaires macabres de la "sale guerre" et dont les commanditaires continuent d'échapper à la justice des hommes, en attendant celle, incontournable, du Juge Suprême. 

 

En tout état de cause, on ne pourra jamais juger objectivement du bilan d'un homme d'Etat de l'envergure du président Boumédiène si on reste englué dans les polémiques, les accusations et les diffamations qui caractérisent le débat politique dans notre pays depuis toutes ces dernières années. Polémiques, accusations et diffamations contre des hommes qui ont symbolisé notre révolution et dont on sait que beaucoup d'entre elles proviennent directement des laboratoires et des officines de l'ancienne puissance coloniale française dont les gouvernements successifs, depuis notre indépendance, n'ont jamais désarmé, ni digéré la victoire du peuple algérien dans sa Guerre de Libération contre la France, alors quatrième puissance mondiale, soutenue qui plus est, par tous les moyens  logistiques de l'Otan.

 

Car, le démon colonial qui n'a jamais cessé de hanter la France – et singulièrement la France des Mitterrand ou des Hollande, en passant par Sarkozy, avec sa loi scélérate du 23 Février 2005, faisant l'apologie du colonialisme – a conduit tous les gouvernements français successifs, à poursuivre d'une manière ou d'une autre, leur Croisade néocoloniale sans répit contre l'Algérie. En particulier à travers leurs relais en Algérie qu'on appelle "Hizb França" – entendez, le parti de la France – qui été et demeure plus que jamais à l'œuvre. Une politique néocoloniale héritée en droite ligne des sinistres méthodes d'Action Psychologique de l'armée française durant la Guerre de Libération qui avait engendré en son temps, le tragique épisode de la "bleuite" durant la Révolution et qui consiste aujourd'hui à calomnier et à jeter la suspicion et le discrédit sur tous les symboles de la résistance algérienne.

Rien n'aura échappé à la furie de la désinformation et des mensonges semés à tous vents par les Services français au moyen de leurs puissants relais médiatiques et des réseaux de leurs supplétifs sur place –"hizb frança" donc –  qui n'est pas seulement une vue de l'esprit…. Il n'y eut de quartier ni pour les martyrs, ni pour les héros, ni pour les grands faits d'armes ; tout a été diffamé, déformé, souillé, pour discréditer, minimiser et abaisser l'Algérie, son peuple et sa Guerre de Libération. Tout a été fait pour casser et altérer profondément et durablement, le regard – auparavant si respectueux –  des générations post indépendance sur leurs aînés, brisant ainsi un chaînon générationnel majeur dans la sauvegarde de la mémoire et de la fierté des algériens. Parce qu'il fallait coûte que coûte escamoter et couvrir de bruits pour maintenir dans l'oubli, les Crimes Imprescriptibles – Crimes de guerre et Crimes contre l'Humanité – perpétrés par la France, tout au long de 132 années de colonisation et singulièrement durant la Guerre de Libération. Car, c'est là qu'il faudra aller chercher l'une des explications à cette islamophobie particulièrement palpable ces dernières années en France et qui se focalise sur les algériens.

 

Ainsi, par une terrible ironie du sort, la longue série de Crimes imprescriptibles qui ont suivi le putsch perpétré contre la volonté du peuple algérien en Janvier 1992 par les généraux "dafs" issus des rangs de l'ex armée coloniale a paradoxalement permis à la France, de contrer toute revendication de reconnaissance de ses propres Crimes coloniaux, en brandissant le chantage au TPI contre ses propres ancien soudards, devenus les maîtres de l'Algérie…

 

Mais revenons à l'évocation de la mémoire du Président Boumédiène dont personne ne pourra contester la nature autoritaire ni les erreurs qu'ont constitué certains de ses choix en matière de développement économique. Mais assurément, personne n'a jamais pu l'attaquer sur le plan de son intégrité morale, parce qu'il se comportait en homme d'Etat authentique. Un homme d'Etat porteur d'un véritable projet de société – viable ou pas, on peut en discuter – et disposant d'une stratégie pour en réaliser les étapes. Un projet de société dont la jeunesse algérienne était le socle, en tant que force vive de la nation.

 

Quel est le projet de société du pouvoir en place, et plus précisément, celui de M. Bouteflika et sa clique de prédateurs et de larbins, sinon le pillage de la nation et un total mépris pour la chose publique et pour le peuple ?

Quel projet fait-on aujourd'hui pour assurer aujourd'hui et demain la survie de ces millions de jeunes de moins de 30 ans livrés à eux-mêmes, qui représentent plus de 70% de la population algérienne ? Des jeunes, vivant au quotidien, les affres du chômage, de l'inaction et des privations de toutes sortes qui les rendent vulnérables à toutes les tentations. Y compris celle de se mettre au service d'intérêts et d'idéologies hostiles au pays ?

 

Des années lumières semblent donc nous séparer de cette période des années 70 durant lesquelles l'Algérie occupait la position éminente de pays crédible et "incontournable" sur la scène internationale

Des années lumière qui séparent deux images, et résument à elles seules, tout le drame de notre pays :

-          la première, c'est cette image humiliante pour notre pays, d'un Chef d'Etat malade, diminué, vêtu d'une robe de chambre, faisant semblant d'exister et recevant à l'Hôtel des Invalides sous le portrait du président français, le Chef du Gouvernement algérien et le Chef d'Etat-Major de l'ANP ;

-          la seconde image, c'est celle, pleine de dignité et de gravité, d'un Président Boumédiène prononçant son discours mémorable à l'adresse des représentants du monde  – en ce jeudi 10 Avril 1974 – du haut du podium des Nations Unies, pour dénoncer l'Ordre économique injuste prévalant dans le monde.

 

Un discours mémorable, prononcé dans une langue arabe pure et dépouillée, stigmatisant sans complexes, l'impérialisme occidental et le néo colonialisme prédateur en dénonçant l'échange inégal entre Nord et Sud, et en réclamant l'instauration d'un Nouvel Ordre Economique International. Un discours mémorable prononcé au nom des 75 pays du Tiers-Monde présents à la Conférence – représentant plus de la moitié de l'humanité –  et dont les Chefs d'Etats et de Gouvernements l'avaient unanimement mandaté, à l'issue de la 4ème Conférence des Pays Non Alignés, qui venait de se tenir quelques mois auparavant à Alger – entre le 5 et le 9 Septembre 1973. Une Conférence où se sont rencontrées toutes les idéologies et toutes les sensibilités du Tiers-Monde, dans un aréopage réunissant sous le même dôme du Palais des Nations, dans ce qui fut le "Club des Pins", les plus grandes figures politiques internationales de l'époque, allant du Grand Roi Fayçal d'Arabie à l'illustre leader cubain Fidel Castro, unis dans un même élan unanime de rejet de l'impérialisme, de ses méthodes et de ses prédations, ainsi que l'affirme le document final – La Déclaration politique d'Alger – qui rappelle que les pays non alignés rejettent :

""…toute forme de subordination ou de dépendance, toute ingérence et toute pression, qu'elles soient politiques, économiques ou militaires""

 

Des années lumières semblent nous séparer des positions d'antan de notre pays, en matière de politique étrangère quand l'Algérie, à travers son président, était porteuse d'idéaux, de principes et de valeurs morales ; quand l'Algérie était à l'avant-garde pour la défense de toutes les causes de libération nationale à travers le monde, et au premier rang desquelles figurait la cause du peuple palestinien; quand l'Algérie farouchement jalouse de son indépendance, avait le verbe haut et la parole écoutée et respectée, y compris par ses adversaires du camp occidental, à commencer par l'ex puissance occupante, la France.

 

 

Demain, la liberté.

 

Mais que les caporaux putschistes et leurs complices civils ne s'y trompent pas !

 

Car, au-delà de leurs Crimes Imprescriptibles commis contre les populations algériennes – et qui tôt ou tard rattraperont leurs auteurs, leurs complices et leurs commanditaires –, au-delà de leurs pillages sans précédent – à coups de milliards de dollars – des richesses et du patrimoine de la nation ; et au-delà de leurs tentatives indignes de mettre l'indépendance de notre pays sous la tutelle de l'ex puissance coloniale pour gagner sa protection, le jour est désormais proche où ils auront à rendre gorge de leurs forfaitures à un peuple algérien qu'ils auront eu l'imprudence d'ignorer, de mépriser, voire de trahir. 

 

Car, du Maghreb au Machrek, le vent de l'Histoire s'est levé, qui est en train de balayer les uns après les autres, ces pouvoirs illégitimes et corrompus, libérant les peuples de l'emprise des criminels qui ont prétendu les asservir. Car, s'il y a des sous-hommes qui croient devoir faire bon marché de leur propre dignité et de la dignité de leurs semblables, il n'y a pas, il n'y a jamais eu, et il ne pourra jamais y avoir de sous peuples sur Terre.

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commentaires

D
Monsieur ,vous faites l'éloge du président défunt ,Houari boumedienne .<br /> Étant ,un de ses collaborateurs vous ne pouvez ignorer les assassinats politique<br /> durant cette période ; les révolutions agraires, industrielles ... Qui ont été un fiasco<br /> totale et une pure utopie des pouvoirs en place .<br /> Monsieur ,Debhi votre jugement sur la période Boumedienne est fausse car aparament vous étiez partis prenante étant proche du pouvoir en place .<br /> Je me souviens de ces années 60 /70 ou la sécurité militaire avec la police militaire<br /> était partout et ou chaque citoyen pouvait disparaitre en un clin d'œil .<br /> Les problèmes actuels de notre pays est le résultat dans la continuité du coup d'État<br /> de 1965 .<br /> Que vous le vouliez ou pas ,les hommes qui ont été mis en selle au pouvoir par<br /> Houari B. sont toujours au commande en Algérie .<br /> Malgré , mon âge qui est inférieur au votre ,j 'ai eu la chance de connaitre Si Ben Bella et de débattre avec Si ait Hamed a Genève .Ma conclusion n'a fait que confirmer que le système Houari B. a<br /> enfanté une caste politico-militaire toujours<br /> en place .Malheureusement .
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N
En ces sales temps un homme de la trempe de Houari Boumediene ALLAH YARHAMOU manque beaucoup au pays
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